Cannes (the end) : tristounet le palmarès !

Ceux qui ont lu mes chroniques peuvent comprendre que le palmarès du jury présidé par Ruben Öslund n’est pas tout à fait (doux euphémisme ) celui que j’aurais souhaité. Mais c’est la loi du genre et les débats autour du palmarès, c’est un peu le Festival qui se poursuit.

La Palme d’Or est attribué à Anatomie d’une chute, un film honorable (je lui avais attribué la note de 14) mais qui ne marquera pas vraiment l’histoire du cinéma ni même du Festival. Mais, comme en 2021, c’est un film de genre (film de procès) qui a été récompensé. Pourquoi pas ? Même si on peut préférer les films d’auteur comme celui de Nanni Moretti, le grand oublié du palmarès.

Le grand prix spécial du jury, The zone of Interest, aurait été, à mon sens, plus à sa place à l’étage supérieur (je lui avais attribué un 16).

Il convient de saluer l’extraordinaire performance de l’actrice allemande Sandra Hüller qui a le rôle principal dans les deux films et qui est de fait le véritable prix d’interprétation féminine.

Le prix de la mise en scène à La passion de Dodin Bouffant (ma note, 11), film sympathique mais anecdotique est assez surprenant et démontre à mon sens que les membres du jury n’ont jamais vu Le festin de Babette.

Le prix du jury pour Les feuilles mortes est le minimum syndical pour le grand réalisateur (ma note était de 17) Aki Kaurismaki.

Le prix du scénario que j’avais pronostiqué pour Monster (13) est judicieux. Quant au prix d’interprétation masculine pour Koji Yakusko dans Perfect Days (mon film préféré, 18) que j’avais aussi pronostiqué, il était tellement évident que je ne vois pas comment le jury aurait pu faire autrement.

Enfin un mot sur le petit discours de la lauréate Justine Triet. Qu’elle exprime sa position sur les retraites est une chose, qu’elle parle d’un néo-libéralisme qui mettrait en danger le cinéma français en est une autre. Depuis Malraux et Lang, le système français de financement et d’organisation du cinéma est très protecteur et est un modèle pour les autres cinématographies. Il suffit de lire une revue spécialisée comme Le Film Français pour noter que la France est le pays d’Europe où le cinéma national résiste le mieux – et de loin – au cinéma américain. La Palme d’Or est d’ailleurs le produit de ce système , cracher dans la soupe n’est donc pas très digne.

Cela dit si je pouvais être dans le jury l’année prochaine… (!)

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Cannes (10) : le Final Cut (bonne) surprise de Wenders

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Le festival s’achève pour nous en boulet de canon avec le meilleur film français de la sélection et le très émouvant dernier film de Wim Wenders sous casaque japonaise.

L’ÉTÉ DERNIER (Catherine Breillat, France)

Une avocate met en péril sa carrière et menace de briser sa famille en ayant une liaison avec son imprévisible beau-fils de 17 ans.

Vu le sujet, on pouvait craindre un mauvais remake d’Un été 42 voire un pensum moralisateur mais il faut avouer qu’avec Catherine Breillat le risque n’était pas très grand. Et pendant une grande partie du film on est plongé dans une ambiance à la Claude Chabrol qui peut nous faire croire à une dénonciation de l’hypocrisie d’une certaine bourgeoisie qui marche sur ses principes (la dame est quand spécialisée dans la défense juridique des enfants !). À l’arrivée, rien de tout cela, mais une sorte de petite tragédie grecque où chacun semble ne pas opposer une grande résistance à son destin et où surtout il est recommandé au spectateur de n’avoir aucune conclusion morale. Sur ce sujet rabattu, une approche non pas immorale mais amorale. Anne (magistralement interprétée par Léa Drucker) tout en neutralité et en réserve mais finalement fragile méritera de figurer au panthéon des beaux personnages de cinéma. Et si cela commençait par un prix d’interprétation à Cannes ? Ma note est de 15.

PERFECT DAYS (Wim Wenders, Japon)

Un scénario à priori minimaliste : quelques journées aux côtés d’un homme qui travaille dans les toilettes publiques de Tokyo. Wim Wenders, dans ce film entièrement japonais, nous surprend. Lui le cinéaste de l’errance nous propose un road movie en circuit court. On ne sait pas si Hakiyama aime son métier mais il l’exerce avec un professionnalisme impressionnant dans tout un quartier moderne de la capitale nippone malgré l’indifférence méprisante des usagers. En dehors de cette activité, sa journée est réglée comme du papier à musique même s’il est beaucoup question de papier toilette (plié en triangle) : un soda en guise de petit déjeuner, de la musique des années 70 dans sa camionnette (dont deux versions de The house of the rising Sun, une chanson qui fait partie à ma partenaire et moi de notre patrimoine intime. Voir mon billet du 24 juin 2007 sur ce blog), un salut à l’inconnue du square pendant sa pose déjeuner, la boisson alcoolisée du soir (non identifiée), l’arrosage de ses plantes, quelques pages d’un livre avant de s’endormir très vite .

Bien sûr, il y a des rencontres plus ou moins inopinées : le collègue amoureux et sa petite amie fantasque, l’inconnu atteint d’un cancer, son neveu qui débarque, sa soeur qui vient le récupérer, quelques serveurs… Si Hakirama est quasiment muet, il n’hésite pas à aider son prochain et à faire preuve d’empathie.

On est dans un premier temps décontenancé par cette vie si linéaire mais très vite on est bouleversé par ce solitaire qui sourit tous les matins en sortant après un regard vers le ciel, les nuages et le soleil naissant. Est-il heureux ou malheureux ? La réponse est apportée dans la dernière minute par l’extraordinaire interprète d’Hakiyama : l’acteur japonais Koji Yakusko. Je dois à cette minute ma première (et seule) larme du Festival. Pour cela et pour le reste ma note sera de 18.

PS : demain le palmarès, mon degré de satisfaction par rapport à celui-ci sera facile à établir… grâce aux notes !

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Cannes (9) : Vers un avenir radieux avec Nanni ?

Pour ma 16e montée des marches, allez savoir pourquoi, une réminiscence me traverse l’esprit, celle qui me renvoie quelques années auparavant aux pieds de l’escalier mythique en position couchée en mode récupération urgente. Il est vrai que j’avais quelques excuses : je venais de terminer le marathon Nice-Cannes qui s’achevait précisément devant le Palais.

Côté cinema, deux films encore dont le Nanni Moretti si attendu.

VERS UN AVENIR RADIEUX (Nanni Moretti, Italie)

Giovanni, cinéaste renommé, tourne un film politique sur les années 50 et le Parti communiste italien. Mais rien ne se passe normalement que ce soit sur le lieu de tournage, dans sa vie de couple, dans ses relations avec sa fille. Tout semble jouer contre lui. Sans y croire vraiment, il va adopter une attitude positive sensée conduire son monde et même le Monde vers un avenir radieux. Du Moretti pur sucre avec cet humour-politesse du désespoir, des dialogues décalés et parfois absurdes, une passion contrariée du Politique et cette mélancolie parfois interrompue par des moments de grâce souvent initiés par des chansons populaires.

Pour ce film qui apporte à la construction de l’univers « morettien »une de ses plus belles pierres, pourquoi pas l’avenir radieux de la palme d’Or ? Pour ma part, ce sera un 17.

LA PASSION DE DODIN BOUFFANT (Tran Anh Hung, France )

Le gastronome Dodin passe ses journées à élaborer des menus en compagnie de sa cuisinière qui par la force des choses et de leur passion pour la cuisine va devenir pour lui un peu plus que cela. Comme nous sommes à la fin du XIXe siècle, à une époque où la cuisine n’était pas encore revisitée, ces longues élaborations de recettes sont appétissantes mais… longues malgré le couple Magimel-Binoche. Il vaut mieux pour un thème similaire revoir le formidable Festin de Babette tourné en 1987 par le Danois Gabriel Axel avec Stéphane Audran. La note sera de 11.

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Cannes (8) : au tour de Wes et Marco

Aujourd’hui deux films de réalisateurs très appréciés mais encore vierges de Palme d’Or.

ASTEROÏDE CITY (Wes Anderson, USA)

Wes Anderson fait parti de ces réalisateurs que j’évoquais dans mon précédent billet, Des cinéastes ayant un univers très personnel qu’ils enrichissent à chaque nouveau film qui de fait est moins un objet singulier que la partie d’un tout. Astéroïde City à l’évidence est une bonne illustration de cette conception d’une carrière cinématographique même si on peut estimer – c’est mon cas – que d’autres films d’Anderson étaient plus riches que celui-ci.

Dans une ville imaginaire du Nouveau Mexique dans les années 50 (bonjour Roswell et la bombe atomique) de jeunes génies viennent confronter leurs découvertes au cours d’une Convention au programme éclectique et loufoque. Du pur Anderson : dialogues décalés, personnages pittoresques, décors aux couleurs acidulées, clins d’oeil culturels, aphorismes improbables et petites caricatures sociales. Mais comme l’intrigue fait, au-delà des séquences de désert, quelques va-et-vient en noir et blanc du côté de Broadway, on est un peu perdu devant l’exubérance du propos. Un 13 parce que malgré tout c’est une nouvelle pièce de ce monde d’Anderson devenu indispensable au cinéma contemporain.

L’ENLÈVEMENT (Marco Bellochio, Italie)

Cette année, trois films italiens sont programmés en sélection : du travail en perspective pour Marie-France la programmatrice du Festival du Cinéma Italien de l’Espace Magnan. Le premier est donc de Marco Bellochio, un des rares survivants de l’âge d’Or du cinéma transalpin (83 ans au compteur !)

Ce film historique évoque l’affaire Mortara du nom d’un enfant juif de 7 ans enlevé à sa famille en 1858 par les sbires de Pie IX sous prétexte qu’il aurait été baptisé catholique en catimini par une servante aux motivations incertaines. De facture classique, le film est une réussite et cela d’abord pour des raisons de fond. Il rappelle que l’antisémitisme chrétien et singulièrement catholique a été le détonateur de cette malédiction si bien décrite dans Les mémoires d’Abraham de Malek Halter.

Pour autant, le film n’est pas une simple reconstitution d’un fait historique signifiant mais la narration d’une histoire palpitante avec de nombreux retournements de situation et des personnages souvent plus complexes que leur positionnement sur l’échiquier social. Un beau 14.

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Cannes (7) : le réalisme poétique revisité par Aki

Deux films aujourd’hui dont le dernier opus d’Aki Kaurismaki qui pour moi fait partie des douze plus grands réalisateurs vivants, ceux qui ne font jamais un film de plus mais ajoutent une étoile à leur univers singulier. D’ailleurs, pour devancer la question, je vous livre d’emblée les onze autres : Woody Allen, Pedro Almodovar, les frères Dardenne, Emir Kusturica, Ken Loach, Terence Malick, Nanni Moretti, Martin Scorsese, Quantin Tarantino, Lars Van Trier et Wim Wenders.

LES FEUILLES MORTES (Aki Kaurismaki, Finlande)

De film en film, Kaurismaki a revisité le bon vieux réalisme poétique du cinéma français d’avant-guerre en lui donnant une dimension à la fois plus Rock & Roll et plus… finlandaise ! Les feuilles mortes est par la simplicité de son intrigue une sorte de quintessence de l’univers du réalisateur. Deux paumés se rencontrent par hasard un soir dans un karaoké d’Helsinki. Ils tombent visiblement amoureux l’un de l’autre, mais l’addiction pour l’alcool du monsieur va compliquer la romance. La rencontre, quelques incidents de parcours, l’aboutissement, le plus souvent en nocturne (sublime photographie) dans les quartiers périphériques de la ville. Rien de plus mais une histoire d’amour qui nous bouleverse. Une émotion souvent zébrée de saillies extrêmement décalées et drôles. Pour ce beau moment ma note sera de 17.

CLUB ZERO (Jessica Hausner, Autriche)

Miss Novak rejoint une école privée huppée pour dispenser un cours de nutrition aux petites têtes blondes. En fait, les élèves tombent sous son emprise et petit à petit refusent toute nourriture. La réalisatrice nous montre comment une phénomène sectaire peut se développer sur la base d’angoisses adolescentes et de lâcheté des parents. Cela rejoint les études récentes qui démontrent qu’il y a une multiplication des petites sectes ayant comme paravent la santé et le bien-être. L’esthétique du film, très belle, tire celui-ci du côté du côté fantastique ce qui peut-être lui faire perdre son exemplarité. Ma note sera de 12.

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Cannes (6) : Théorie du Genre chez Mémé

Après quelques infidélités dans la partie basse du GTL (Grand Théâtre Lumière), nous avons retrouvé notre emplacement fétiche : le dernier rang de l’immense salle. Cet endroit en général très peu fréquenté permet de prendre ses aises. Au dos du dernier rang de fauteuils se trouve un mystérieux plateau moquetté éclairé d’une couleur orangée avec une porte ouvrant sur des couloirs déserts eux aussi moquettés et menant… nulle part ! Cet endroit où nous avons vu des dizaines et des dizaines de films est devenu si intime que j’avais même proposé à ma coéquipière de marquer notre territoire en cloutant quelques photos familiales, celles de nos grands-mères respectives par exemple. Du coup au fil des festivals, j’ai surnommé ce lieu magique : « Chez Mémé« . (Voir photos ci-dessus)

C’est donc de Chez Mémé que nous avons vu ce jour un film historique et un film de « procès », deux bons films de genre.

FIREBAND (Karim Aïnouz, USA)

Henri VIII et les Tudors sont de bons clients pour le cinéma (et les séries TV). Ce film va compléter la collection en s’intéressant à la dernière femme du sympathique souverain anglais : Catherine Parr. Une bonne pioche car Catherine a une personnalité intéressante et elle réussira à entourlouper le roi dont elle sera la veuve. De facture classique le film en nous faisant assister – à travers les rapports complexes entre Henri et Catherine – au conflit entre partisans du Pape et anglicans, à cette dimension politique qui manquait tant à Jeanne Du Barry. La performance de Jude Law en Henri VIII a la dimension de l’embonpoint de son personnage : XXL. Un regret toutefois : rien ne justifie vraiment la fin gratuitement inventée par Karim Aïnouz, le réalisateur brésilien. Ma note sera donc un 13.

ANATOMIE D’UNE CHUTE (Justine Triet, France)

Samuel est retrouvé mort au pied de son chalet qu’il habite à la montagne avec sa femme et son fils aveugle. Assassinat ou suicide?

Film de procès, Anatomie d’une chute, aurait pu s’appeler Autopsie d’un couple car si la recherche judiciaire de la vérité est passionnante, il se double d’une étude psychologique extrêmement fine sur la nature des rapports entre la victime et sa femme. Il faut dire que la performance de l’actrice allemande Sandra Hüller est pour beaucoup dans la réussite dans ce film de procès (dont on n’ignore aucun rebondissement) qui est aussi un thriller sentimental. Ma note sera de 14.

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Cannes (5) : l’amour fou peut être singulier

Après un nouveau déluge matinal, le soleil est enfin arrivé. L’occasion de se promener un peu sur la Croisette et de rencontrer Maryam la directrice de la Victorine encore tout auréolée par la sélection de « ses »studios par le comité d’experts du Ministère pour être éligible au plan La grande fabrique de l’image. Capitaliser sur la base de ce succès sera donc le maître mot de cette grande professionnelle d’où sa présence à Cannes pour le plus grand événement du cinéma mondial.

Aujourd’hui deux films d’amour. Mais d’amour singulier.

MAY DECEMBER (Todd Haynes, USA)

Il y a 20 ans, Gracie (Natalie Portman juste et émouvante) alors presque quadragénaire, mariée et mère a séduit Joe qui avait à l’époque 13 ans d’où un immense scandale et un peu de prison à la clé. Depuis ils se sont mariés et ont eu à leur tour des enfants. Une actrice censée reprendre le rôle de Gracie dans un film vient troubler le fragile équilibre trouvé par cette singulière famille recomposée. Une question est posée à tous les protagonistes de l’histoire et en premier à Joe : pourquoi Gracie a-t-elle fait cela? Le scénario est subtil et plein de rebondissements mais il semble bien qu’au final la bonne réponse soit… par amour ! Assurément une belle histoire et un beau film avec un moins et un plus : le moins, c’est la musique très envahissante, le plus c’est l’atmosphère envoutante de Savannah, une de mes villes américaines préférées. Ma note sera de 13.

BANEL ET AMADA (Ramata-Toulaye Sy, Sénégal)

Sur les terres arides du Nord du Sénégal, la jeune Banel rêve d’un amour véritable avec Adama quitte à ce que cet acte de liberté les conduise à rompre avec la communauté villageoise. L’installation du couple dans une vieille maison arrachée au sable du désert sera le symbole de leur amour singulier à la marge des conventions. Mais celui-ci sera mis à dure épreuve par la rudesse d’un environnement (sécheresse, tempête, décès) qui laisse peu de place aux passions et encore moins au chaos. Le film place le spectateur dans une situation intenable : de toute ses forces, il a envie que Banel et Adama réussissent, mais en même temps, face à l’âpreté de ce monde de survie, il ne voit pas trop quel conseil leur donner pour que cela soit. La réalisatrice nous offre un conte aux images poétiques. Peut-être qu’une narration plus réaliste aurait mieux servi le sujet ? Ma note sera là aussi un 13 (à la fac, c’était de mon temps la mention AB) .

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Cannes (4) : une Victorine qui gagne, un Festival qui décolle

En bon cinéphile niçois, ce Festival 2023 sera d’abord celui où la ministre Rima Abdul Malek a annoncé que les studios de la Victorine dirigés par Maryam Rousta-Giroud, la directrice du cinéma de Christian Estrosi, seraient éligibles à l’ambitieux plan gouvernemental « Grande fabrique de l’image ».

Au delà de cette heureuse nouvelle et toujours sous des trombes d’eau, le Festival a véritablement décollé avec deux films exceptionnels.

LA ZONE D’INTÉRÊT (Jonathan Glazer, USA)

Il s’agit de la vie familiale bucolique et banale du directeur d’Auschwitz-Birkenau et de sa famille dans leur coquette villa dont le jardin fleuri a un mur mitoyen… avec le camp de l’indicible. Il s’agit de bourgeois provinciaux, plus parvenus qu’ambitieux, d’une banalité rendue atroce par le contexte. De l’autre côté du mur, on entend très assourdis les cris et les rafales, on aperçoit la fumée mais rien ne remet en cause la vie tranquille de Rudolf Höss et des siens. Quand l’horreur n’est pas produit par des monstres mais par des gens comme les autres, comment ne pas se poser la question de nos propres fragilités ?

La mise en scène à distance et le pointillisme de l’observation sociale mettent la forme du film au service de son message glacé. Du grand art ! Ma note sera de 16.

Mais ce film a éveillé en moi un souvenir personnel qui m’obsède depuis des années : j’ai fait une douzaine de voyages à Auschwitz-Birkenau avec des collégiens. À la nuit tombante (nous étions la plupart du temps en hiver), quand la visite s’achevait, nous passions devant la maison du directeur. Le film ayant été tourné sur place, je l’ai bien sûr reconnue à l’écran. À chaque visite, je me demandais comment la vie de famille du directeur pouvait se dérouler dans un tel environnement ? Grâce à Jonathan Glazer, j’ai la réponse.

LES FILLES D’OLFA (Kaouther Ben Hania, Tunisie)

Olfa a quatre filles, les deux ainées ont disparu après avoir cédé aux sirènes de Daech. Olfa et ses deux cadettes se demandent comment la famille a pu ainsi éclater. Les héroïnes de cette histoire sont des personnages réels et la réalisatrice nous propose un objet cinématographique inédit en mêlant quelques actrices pour renforcer ce qui est principalement un documentaire.

Cette radiographie de la Tunisie post Ben Ali où l’islamisme offre une porte de sortie mortifère à l’oppression patriarcale est d’une précision clinique et jamais simpliste. Le mélange de l’interprétation des actrices et du naturel des vrais protagonistes font de ce film un maelström d’humanité qui malgré la gravité du propos est souvent joyeux. Ma note est de 15.

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Victorine : le triomphe de Maryam et de Nice

Il y a quelques mois le maire de Nice avait confié une mission de la plus grande importance à sa directrice du Cinéma, Maryam Rousta-Giroud : que les studios de la Victorine soient éligibles au maxi-plan gouvernemental France 2030 : la grande fabrique de l’Image et ses 350 millions qui visent à doubler les surfaces de tournage en France. Depuis des semaines et des semaines Maryam (et son équipe) a réussi à mobiliser ses réseaux et avec le renfort de Marc Concas dans la dernière ligne droite a pu convaincre le comité d’experts indépendants du ministère de sélectionner La Victorine.

Cette bonne nouvelle confirme définitivement le renouveau des studios niçois. Que de chemin parcouru ! je me souviens d’une époque ( le premier mandat du maire précédent) où dans l’opposition on se battait avec les associations de cinéphiles (n’est ce pas Jean-Louis Milla !) pour que La Victorine ne soit pas livrée aux appétits immobiliers.

Au cours des deux municipales auxquelles j’ai participé comme tête de liste j’avais proposé un ambitieux plan Cinéma pour la ville intitulé sous forme de clin d’oeil Nicecittà. Avec cette bonne nouvelle on s’en approche !

Enfin comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, je félicite également mon ami Thierry Collard , l’emblématique directeur de l’ESRA puisque son école est également sélectionnée pour le plan du ministère.

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Cannes (3) : le remake des Parapluies de Cherbourg

Depuis le début du Festival nous rejouons, un brin fataliste, un remake des Parapluies de Cherbourg, la Palme d’Or de 1964. Les parapluies sont en effet les véritables stars de la Croisette pour le plus grand bonheur des marchands ambulants. Paradoxal que l’année où il est prévu une sécheresse dramatique sur le sud de la France, nous ayons un des festivals le plus pluvieux de ces dernières années. Les files d’attente cosmopolites et colorées qui font partie de l’ADN de Cannes sont muettes et humides, les escarpins pataugent dans les flaques et on tousse dans les salles y compris dans le prestigieux Théâtre Lumière.

Une morosité ambiante que la glauquitude du film du jour n’a pas arrangé.

BLACK FLIES (Jean-Stéphane Sauvaire, USA)

Deux ambulanciers, un vétéran et un étudiant (interprétés par Sean Penn un brin cabotin et Tye Sheridan), arpentent les rues de Brooklyn au milieu des trafics de drogue et des guerres des gangs en passant par les violences familiales et les meurtres anonymes et font de leur mieux pour colmater les blessures physiques d’un monde à la dérive. Mais la pression est si forte et la reconnaissance sociale si faible que ces véritables travailleurs de la première ligne s’aventurent au delà de celle-ci dans des zones grises où l’on distingue difficilement le mal et le bien. Notons une mise en scène coup de poing d’une grande efficacité où il est recommandé d’avoir le coeur bien accroché. Même si cette efficacité peut parfois renvoyer à un certain manichéisme et nuire au propos finalement nuancé du réalisateur français. Ma note sera donc de 12.

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