Hier, pour ce Président que les Français trouvent si sympathique, s’est achevé le temps nécessairement un peu irrationnel du deuil. Il a rejoint ce qu’on appelle le Roman National. Maintenant, place à l’analyse et à la réflexion sur l’apport et le rôle de celui qui fut un poids lourd de la politique française pendant plusieurs décennies.
C’est que son parcours est loin d’être linéaire et bien souvent paradoxal. Ainsi – en forçant un peu le trait, mais à peine – on peut dire que Jacques Chirac est à l’origine des bonnes fortunes de la gauche dans ce pays. Pendant 24 ans, celle-ci a exercé le pouvoir en trois séquences aux origines desquelles se retrouve l’héritier du gaullisme.
1981 : en se présentant au premier tour contre Valery Giscard D’Estaing mais plus encore en étant très ambigu dans son soutien au deuxième, il est acquis qu’il a largement favorisé la victoire de François Mitterrand obtenue par le plus petit des scores. Circonstance aggravante : candidat en 1988 contre celui qu’il avait contribué à faire élire en 81, il est lourdement battu offrant ainsi à la gauche un septennat supplémentaire.
1997 : par une manoeuvre un peu arrogante visant à renforcer son pouvoir de Président élu deux ans auparavant, Jacques Chirac dissout l’Assemblée. Cette décision intempestive va conduire à la victoire de la gauche et à l’accession de Lionel Jospin à un poste de Premier Ministre de cohabitation qui va en faire le véritable leader de la politique française pendant 5 ans. C’est ainsi que, malgré l’opposition du Président, la nouvelle majorité imposera entre autres les 35 h et le Pacs.
2012 : humilié par Nicolas Sarkozy, véritable maire du Palais de son second mandat, il soutient plus ou moins explicitement son compère corrézien François Hollande. Déjà malade, son entourage avec une inélégance quasiment obscène laissera supposer qu’il n’était pas tout à fait lucide. Quoi qu’il en soit, même si ce soutien fut probablement moins décisif qu’en 1981, l’étroitesse de la victoire du candidat socialiste ne fait pas de celui-ci une simple anecdote.
7+7+5+5 = 24 même si on tient compte des cohabitations de 1986 et 1993 , le compte est bon : Jacques Chirac a contribué – et pas qu’un peu – aux victoires de la gauche sous la Ve République. Et pas toujours à son corps défendant !